Monsieur Peter Todd
Directeur Général

HEC Paris
1, Rue de la Libération
78350 Jouy-en-Josas

Le 11 mai 2020

Monsieur le Directeur,

Nous, étudiants d’HEC, vous adressons la présente pour vous faire part de nos préoccupations quant à l’usage des outils de surveillance audiovisuelle des examens comme Proctorio et Zoom. Il est en effet plusieurs points relatifs à l’utilisation de ces plateformes que nous aimerions porter à votre attention.

Sur la vie privée
La plateforme Proctorio exige, avant – et parfois pendant – l’examen, un scan à 360° de la pièce dans laquelle l’étudiant subit l’épreuve. Cette pièce peut de surcroît être filmée durant la totalité de l’examen, par Zoom comme par Proctorio. Cela nous paraît problématique dans la mesure où les logements où les étudiants se trouvent actuellement sont des espaces privés. Plus précisément, il s’agit d’espaces dont ils ne sont pas propriétaires et – souvent – pas même locataires. Le passage des examens via cette plateforme nous paraît donc perturber l’intimité de l’ensemble des membres du foyer dans lequel réside l’étudiant.

Sur les données personnelles
Nous n’avons pas de garantie, outre la publicité que les plateformes en font, relative à la façon dont Proctorio ou Zoom traitent les données personnelles récoltées durant l’épreuve. Là aussi, dans un contexte où l’importance des normes du RGPD n’a cessé de s’accroître, il nous semble problématique d’obliger les étudiants à exposer ainsi leurs données sous peine de ne pas pouvoir subir l’examen s’ils refusent.

Sur la fracture numérique
L’usage des plateformes Proctorio et Zoom suppose la possession d’un ordinateur équipé d’une webcam ou d’une webcam d’appoint. Or, on ne peut pas assurer que tous les étudiants sont équipés de pareils dispositifs, notamment dans les circonstances du confinement. Par ailleurs, force est de constater que les inégalités numériques sont également géographiques : le territoire français, métropolitain comme ultramarin, est inégalement maillé en ce qui concerne l’accès au réseau Internet. Si certains ne seront pas du tout en mesure de passer une épreuve, d’autres n’auront pas non plus suffisamment de bande passante pour permettre l’enregistrement d’une vidéo en sus de l’accès au logiciel de composition.

Sur la détresse psychologique
Ces examens interviendront à l’issue de nombreuses semaines éprouvantes. Chacun sait qu’ils ne se dérouleront pas dans des conditions normales. Beaucoup des étudiants d’HEC font face à un stress ou à une détresse sans précédent. Ajouter la pression supplémentaire d’une surveillance intrusive ne peut que les desservir.

Sur la préservation des standards académiques
Ce semestre, comme nous l’avons dit, ne ressemble et ne ressemblera à aucun autre dans l’histoire de notre école. Si celle-ci attache une grande importance à l’excellence, elle donne une égale attention à sa communauté à laquelle nous appartenons. Certes le passage d’examens en ligne ne permet pas de reproduire les conditions d’une épreuve classique mais toutes les universités du monde sont soumises à cette même problématique ; certaines grandes écoles ont même choisi de transformer complètement leurs examens en accordant un délai de 48 heures à leurs étudiants pour composer.
Conscients de la volonté de toute la communauté de préserver la qualité de nos évaluations, nous proposons le recours à la plateforme Theia pour l’ensemble des examens prévus. Celle-ci présente de nombreux avantages : elle réclame beaucoup moins de bande passante que Proctorio ou Zoom, elle est facile d’accès, beaucoup d’étudiants l’ont déjà utilisée – notamment dans le cadre du cours de finance d’entreprise –, elle préserve l’intimité de chacune et elle limite la triche.
La triche est, justement, ce que chacun souhaite éviter. Mais l’esprit de communauté qui nous anime peut aussi nous inviter à nous faire mutuellement confiance : chacun souhaite la réussite des autres dans les meilleures conditions possibles. Il est de surcroît possible d’agir sur d’autres paramètres que la surveillance vidéo pour empêcher les tricheries. Ainsi peut-on imaginer modifier le format des épreuves ou leur durée. Nombre d’entre nous témoignerons qu’il est déjà presque impossible de relire ses notes dans les examens open book compte tenu de leur durée et de leur difficulté. Il semble difficile d’imaginer une triche massive compte tenu du format que propose Theia pour les épreuves.

Sur la réputation d’HEC
Nous souhaitons également éviter à HEC les déboires qu’a déjà connus l’université d’Assas. Les systèmes de surveillance comme Proctorio étant encore mal connus, il n’existe pas ou peu de décisions juridiques à leur égard. Il serait bénéfique pour tous de choisir de prévenir plutôt que de guérir : en utilisant une plateforme qui, comme Theia, n’est pas susceptible de créer la controverse, on empêche d’éventuelles actions en justice qui pourraient desservir toute la communauté d’HEC.

Nous espérons avoir pu vous faire part de nos inquiétudes et restons à votre entière disposition pour tout échange à ce sujet.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur, en l’assurance de nos salutations respectueuses.

Les étudiants signataires

• Je signe la lettre

Mr. Peter Todd
Dean

HEC Paris
1, Rue de la Libération
78350 Jouy-en-Josas

May 11th, 2020

Dear Mr. Dean,

We, HEC students, are addressing you this letter to express our concerns about the use of audiovisual surveillance tools for our final exams, such as Proctorio and Zoom. There are indeed several points relating to the use of these platforms that we would like to bring to your attention.

On privacy
The Proctorio platform requires, before - and sometimes during - the exam, a 360° scan of the room in which the student is being tested. This room can also be filmed during the entire examination, using Zoom or Proctorio. This seems problematic to us, as the accommodation where the students are currently staying is privately owned. Specifically, they do not own the space and - often - do not even rent it. We therefore feel that taking exams via this platform disrupts the privacy of all the members of the student's household.

On personal data
We have no guarantee, other than the advertisement that the platforms make of it, regarding the way Proctorio or Zoom treat the personal data collected during the exam session. Here again, in a context where the importance of the GDPR (General Data Protection Regulation) standards have been continuously growing, we find it problematic to force students to expose their data in this way, preventing them from taking the exam if they refuse.

On digital divide
The use of Proctorio and Zoom platforms requires a computer with a webcam or a backup webcam. However, it cannot be ensured that all students are equipped with such devices, particularly under the circumstances of lockdown. Moreover, it must be noted that digital inequalities are also geographical: the French territory, both metropolitan and overseas, is unevenly meshed with regards to Internet access. While some will not be able to pass a test at all, others will not have enough bandwidth to allow a video recording in addition to the access to the exam platform.

On psychological distress
These examinations will take place after several tiring weeks. Everyone knows that they will not take place under normal conditions. Many HEC students face unprecedented stress or distress. Adding the extra pressure of intrusive surveillance can only affect them negatively.

On the preservation of academic standards
This semester, as we have said, is and will be unlike any other in the history of our school. While our school attaches great importance to excellence, it gives equal attention to the community to which we belong. Admittedly, taking exams online does not make it possible to reproduce the conditions of a traditional exam, but all universities in the world are subject to this same problematic; some top universities have even chosen to completely transform their exams by giving their students 48 hours to compose.
Aware of the willingness of the entire community to preserve the quality of our evaluation, we suggest the use of Theia platform for all the exams. Theia has many advantages: it requires much less bandwidth than Proctorio or Zoom, it is easy to access, many students have already used it - particularly in the corporate finance course - it preserves everyone's privacy and limits cheating.
Cheating is precisely what everyone wants to avoid. But the spirit of community that drives us can also invite us to trust each other: everyone wants the success of the others in the best possible conditions. Moreover, it is possible to act on parameters other than video surveillance to prevent cheating. For example, one can imagine changing the format of the tests or their duration. Many of us will testify that it is already almost impossible to re-read one's notes in open book exams given their length and difficulty. It seems difficult to imagine massive cheating given the format Theia proposes for the exams.

On the reputation of HEC
We also wish to avoid the setbacks that Assas University has already experienced at HEC. As monitoring systems such as Proctorio are still not well known, there are few or no legal decisions concerning them. It would be beneficial for everyone to be safe rather than sorry: by using a platform such as Theia, that is not likely to create controversy, we prevent possible legal actions that could undermine the entire HEC community.

We hope we have been able to share our concerns with you and remain at your disposal for any exchange on this subject.
We look forward to hearing from you, Mr. Dean. Respectfully yours,

The signatory students

• I sign this letter